Préalablement à la signature d’une promesse de vente/d’achat/synallagmatique/unilatérale d’un bien immobilier, acte extrêmement engageant, acquéreur et vendeur doivent absolument maitriser la notion de condition suspensive.
L’enjeu est simple : la condition suspensive protège les parties.
En effet, la réalisation ou défaillance de la condition aura notamment un impact sur (i) les effets de la vente et (ii) sur le sort de l’indemnité d’immobilisation.
Le présent article a pour objet d’informer les parties sur le minimum vital en la matière, à savoir (1) les conditions de validité, (2) le type, (3) la levée et (4) la défaillance de la condition suspensive.
Définitions
- Promesse unilatérale : promesse de vendre ou d’acheter (l’une des deux parties dispose d’une option)[1].
- Promesse synallagmatique : le vendeur s’est engagé à vendre et l’acheteur s’est engagé à acheter.
- Condition : évènement futur et incertain (alinéa premier de l’article 1304 du Code civil).
- Terme : « survenance d’un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine » (article 1305 du Code civil).
- Condition potestative : évènement qui dépend uniquement de la volonté d’une partie[2].
- Condition suspensive : « La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple » (alinéa 2 de l’article 1304 du Code civil).
- Condition résolutoire : la condition « est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l’anéantissement de l’obligation » (alinéa 3 de l’article 1304 du Code civil).
- Caducité : sanction qui met fin au contrat puisqu’« En cas de défaillance de la condition suspensive, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé. » (dernier alinéa de l’article 1304-6 du Code civil)[3].
- Les conditions de validité de la condition suspensive
- Évènement futur et incertain (article 1168 du Code civil) ;
- Évènement licite (article 1172 du Code civil) ;
- Évènement extérieur à la volonté des parties (articles 1170 et 1174 du Code civil) – elle ne doit pas être potestative ;
- Ne doit pas avoir pour objet un élément essentiel à la formation et à la validité du contrat (la condition touche à une modalité d’exécution de l’acte) ;
N.B. : en principe, l’acte contenant une condition suspensive doit être publié au service de la publicité foncière[4].
Conseils :
- Stipulée expressément comme telle ;
- Décrite avec précision (notamment s’agissant de ses effets – rétroactifs ou non –, du formalisme de son constat, etc.) : il est conseillé de préciser pour l’intérêt de qui elle est stipulée ;
- Assortie d’un délai : il convient de définir (i) le délai pendant lequel la condition devra se réaliser et (ii) les effets du dépassement de ce délai ;
A défaut de délai, la condition pourra toujours être levée et défaillira si l’on est certain que l’évènement ne se produira pas (article 1176 du Code civil).
2. Type de condition suspensive
- Légale :
- Droit de préemption du locataire/preneur[5] ;
- Droit de préemption urbain[6] ;
- Obtention d’un prêt (article L. 313-41 du Code de la consommation, étant précisé que cet article ne reçoit pas application en présence d’un acquéreur SCI).
Zoom sur la condition suspensive d’obtention d’un prêt bancaire :
L’article L. 313-41 du Code de la consommation dispose que :
« Lorsque l’acte mentionné à l’article L. 313-40 { l’acte écrit, y compris la promesse unilatérale de vente acceptée et le contrat préliminaire prévu à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation[7]} indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l’aide d’un ou plusieurs prêts régis par les dispositions des sections 1 à 5 et de la section 7 du présent chapitre, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l’obtention du ou des prêts qui en assument le financement. La durée de validité de cette condition suspensive ne peut être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l’acte ou, s’il s’agit d’un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l’enregistrement, à compter de la date de l’enregistrement.
Lorsque la condition suspensive prévue au premier alinéa n’est pas réalisée, toute somme versée d’avance par l’acquéreur à l’autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit. ».
Durée de la condition suspensive : l’article L. 313-41 du Code de la consommation fixe une durée minimum d’un mois à compter de la date de signature de l’acte ou au jour de l’enregistrement (en cas d’acte sous seing privé soumis à enregistrement).
Formalisme de la demande de prêt : le consommateur doit absolument respecter les termes de la condition suspensive stipulée (nombre de demandes formulées auprès des établissements de crédit, montant maximum, taux d’intérêt, information du refus ou de l’acceptation, etc.).
Conseils :
- Si plusieurs prêts doivent être accordés (financement de l’immeuble et des travaux), il faut le préciser à l’acte ;
- Définir les termes employés (offre de prêt par exemple), préciser le formalisme de transmission de l’offre au promettant ;
- Prévoir un délai suffisamment long notamment en période de vacances (exemple : juillet / août) où le délai d’obtention d’un prêt y est généralement important ;
- Dans l’hypothèse où les parties ont conscience que le délai ne sera pas tenu, elles peuvent proroger le proroger avant l’expiration de celui-ci ;
- Côté vendeur, il convient d’insérer une clause obligeant l’acquéreur à informer le vendeur du refus de prêt ;
- Se pré-constituer la preuve de ce que la demande de prêt conforme est conforme aux conditions de la promesse ;
- Vérifier que la clause est régulière (exemple : non conforme aux dispositions de l’article L.341-41 du Code de la consommation par exemple).
- Contractuelle ;
- Obtention d’un prêt relais ;
- Obtention d’un permis de construire ou d’une autorisation préalable de travaux ;
- Autorisation de travaux par l’assemblée générale des copropriétaires ;
- Absence de charges, servitudes d’urbanisme ou d’utilité publique grevant le bien ;
- Situation hypothécaire apurée lors de la vente et communication de la note de renseignement d’urbanisme ;
- Accord pour changement de destination / usage de l’immeuble ;
- Vente d’un autre bien servant à financer l’acquisition ;
- Communication de diagnostics ne laissant pas apparaitre d’amiante par exemple ;
- Réalisation de travaux par le propriétaire actuel ;
- Libération des locaux par le locataire ;
- Confirmation de la surface ;
- Obtention d’un prêt / vente d’un autre immeuble, pour le vendeur, si lui-même doit acheter un bien à financer grâce (i) au produit de la vente et (ii) à un prêt qu’il a sollicité ;
- Attente de l’issue d’un procès (sauf si l’issue impacte les conditions de validité de la vente elle-même) ;
- Réitération par acte authentique, paiement du prix[8], etc.
- Stipulée dans l’intérêt des deux parties ;
- Stipulée dans l’intérêt d’une seule partie : attention, la détermination du bénéficiaire de la condition relève également du pouvoir des juges du fond (il ne suffit pas que la condition soit stipulée dans l’intérêt d’un tel pour qu’elle le soit).
3. Levée de la condition suspensive
- S’agissant d’une promesse unilatérale, la réalisation de la condition suspensive permet la levée de l’option du bénéficiaire de la promesse (article 1304-6 du Code civil) ;
- S’agissant d’une promesse synallagmatique, la vente produit ses effets (certains effets sont suspendus jusqu’à la réitération) ;
- L’article 1304-6 du Code civil précise que l’obligation devient pure et simple (le principe n’est donc plus celui de la rétroactivité).
- Les parties peuvent toujours prévoir une rétroactivité de certains effets, à l’exception notamment du transfert des risques et de la perception des loyers (les effets de la rétroactivité sont neutralisés pour ces deux cas par l’alinéa 2 de l’article 1304-6 du Code civil) ;
- Transfert de propriété (sauf clause contraire) ;
- Exigibilité des droits de mutation.
4. Défaillance de la condition suspensive
- En principe, la défaillance de la condition implique la caducité de l’acte ;
- Défaillance de la condition imputable au bénéficiaire de celle-ci : « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement. » (article 1304-3 du Code civil) ;
- Renonciation à la condition :
- Par une seule partie : « Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie (L. no 2018-287 du 20 avr. 2018, art. 11) «ou n’a pas défailli» » (article 1304-4 du Code civil) ;
- Par les deux parties : si la condition a été stipulée dans l’intérêt commun, les parties peuvent (i) renoncer à se prévaloir de la caducité et (ii) poursuivre la vente.
[1] La qualification de la promesse donnée par les parties peut parfois être erronée. Par exemple, si le montant de l’indemnité d’immobilisation est trop important, la promesse peut être requalifiée de synallagmatique par les juges du fond.
[2] Étant précisé qu’il existe des conditions simplement/purement potestatives et mixtes.
[3] La caducité est rétroactive selon l’article 1187 du Code civil.
[4] Il s’agit plutôt d’une question d’opposabilité aux tiers et non pas d’une condition de validité.
[5] En réalité, le droit de préemption n’est pas une condition suspensive (cette « condition » est insérée comme telle au sein des actes notariés mais vise un élément essentiel à la formation de la vente).
[6] Même commentaire que la cinquième note de bas de page. Il est précisé par ailleurs que la purge du droit de préemption de la SAFER ne peut être érigée en condition suspensive (article L. 143-5 du code rural et de la pêche maritime).
[7] Ce texte s’applique donc à la promesse synallagmatique et unilatérale.
[8] Attention à l’usage de cette condition et à sa formulation, à l’origine d’une jurisprudence abondante critiquée par une partie de la doctrine.